Le mal du progrès dans Ravage de René Barjavel : une étude stylistique

Le mal du progrès dans Ravage de René Barjavel : une étude stylistique

Le culte du progrès est l une des caractéristiques majeures de la modernité de sorte qu il devient, durant tout le XIX e siècle, le critère incontestable du développement des sociétés humaines tel que l ont conçu les Lumières. Le cas de Rousseau et Baudelaire à part, ce n est qu après les horreurs et désastres causées par les deux Guerres mondiales que cette notion est sévèrement mise en cause et ébranlée aussi bien par les penseurs que par les artistes. En littérature, le genre de science-fiction prépare un terrain privilégié pour décrire et critiquer un monde excessivement machiniste et déshumanisé. Ravage (1943) en est un exemple classique qui offre une vision pessimiste et critique des excès du progrès technique dans un Paris surdéveloppé et dystopique. Le roman raconte la lutte de quelques personnes pour leur survie après un cataclysme déclenché à la suite d’une panne générale d’électricité. Étant une réflexion sur le progrès et la science, ce récit d anticipation dépeint, dans une satire virulente, les tares de la dépendance technologique de la société moderne tout en suggérant que tout retour en arrière vers une société traditionnelle est impossible. Écrit sous l Occupation, ce succès de SF révèle non seulement le pessimisme de Barjavel vis-à-vis du progrès technique mais aussi l influence de l idéologie du retour à la terre, valorisé par le gouvernement de Vichy. En effet l auteur dans un récit quadripartite peint le cheminement d un monde pré-apocalyptique vers une société post-apocalyptique fondée sur patriarcat, machisme, amour de la terre et rejet de la technologie. Nous étudierons dans cet article, les procédés stylistiques qui permettent à l écrivain de tracer ce cheminement et mettre en valeur sa vision pessimiste du progrès, à savoir les figures de style (par exemple l accumulation comme figure de style dominante de première partie par laquelle l auteur évoque le rythme rapide du progrès technique de la société future), les procédés énonciatifs et l’organisation textuelle. Nous tâcherons ensuite de montrer comment ce pessimisme est en conflit dialectique avec le monde paisible de la dernière partie et quels procédés poétiques lancent et raniment ce dialectique d espoir-échec-espoir-échec. Enfin nous nous pencherons sur l étude du concept de retour à la terre développé dans la dernière partie du roman en la dépouillant préalablement de toute appartenance idéologique (vichyiste et naziste). En effet, en repérant les procédés narratifs, énonciatifs et rhétoriques propres à la représentation littéraire de ce concept, nous souhaiterons situer le roman dans son contexte historique de l Occupation pour évaluer le degré d enracinement de l œuvre dans la réalité socio-historique de son époque.

Le culte du progrès est l une des caractéristiques majeures de la modernité de sorte qu il devient, durant tout le XIX e siècle, le critère incontestable du développement des sociétés humaines tel que l ont conçu les Lumières. Le cas de Rousseau et Baudelaire à part, ce n est qu après les horreurs et désastres causées par les deux Guerres mondiales que cette notion est sévèrement mise en cause et ébranlée aussi bien par les penseurs que par les artistes. En littérature, le genre de science-fiction prépare un terrain privilégié pour décrire et critiquer un monde excessivement machiniste et déshumanisé. Ravage (1943) en est un exemple classique qui offre une vision pessimiste et critique des excès du progrès technique dans un Paris surdéveloppé et dystopique. Le roman raconte la lutte de quelques personnes pour leur survie après un cataclysme déclenché à la suite d’une panne générale d’électricité. Étant une réflexion sur le progrès et la science, ce récit d anticipation dépeint, dans une satire virulente, les tares de la dépendance technologique de la société moderne tout en suggérant que tout retour en arrière vers une société traditionnelle est impossible. Écrit sous l Occupation, ce succès de SF révèle non seulement le pessimisme de Barjavel vis-à-vis du progrès technique mais aussi l influence de l idéologie du retour à la terre, valorisé par le gouvernement de Vichy. En effet l auteur dans un récit quadripartite peint le cheminement d un monde pré-apocalyptique vers une société post-apocalyptique fondée sur patriarcat, machisme, amour de la terre et rejet de la technologie. Nous étudierons dans cet article, les procédés stylistiques qui permettent à l écrivain de tracer ce cheminement et mettre en valeur sa vision pessimiste du progrès, à savoir les figures de style (par exemple l accumulation comme figure de style dominante de première partie par laquelle l auteur évoque le rythme rapide du progrès technique de la société future), les procédés énonciatifs et l’organisation textuelle. Nous tâcherons ensuite de montrer comment ce pessimisme est en conflit dialectique avec le monde paisible de la dernière partie et quels procédés poétiques lancent et raniment ce dialectique d espoir-échec-espoir-échec. Enfin nous nous pencherons sur l étude du concept de retour à la terre développé dans la dernière partie du roman en la dépouillant préalablement de toute appartenance idéologique (vichyiste et naziste). En effet, en repérant les procédés narratifs, énonciatifs et rhétoriques propres à la représentation littéraire de ce concept, nous souhaiterons situer le roman dans son contexte historique de l Occupation pour évaluer le degré d enracinement de l œuvre dans la réalité socio-historique de son époque.